Parachat Ytro – 5777
Yéhouda Moshé Charbit
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בס״ד
Pour l’élévation de l’âme Yéhouda Ben David Lalou ainsi que ‘Hanna bat Esther.
Pour la réfoua shéléma de Yitshak Ben Chimone.
Résumé de la Parasha
Yitro, beau-père de Moshé, ayant entendu tous les miracles que Hakadoch Baroukh Hou a fait pour les bné-Israël, décide de rejoindre le campement du peuple, qui se trouvait alors au pied de la montagne de Sinaï. Moshé, apprenant que son beau-père arrive, sort à sa rencontre. Aaron voyant Moshé sortir le suit, ce qui poussa les anciens à suivre Aaron, et mena le peuple à les suivre à leur tour. Ainsi, tout le peuple d’Israël sortit à la rencontre de Yitro. Moshé l’accueillit dans sa tente, dans laquelle ils prennent ensemble le repas durant lequel Moshé raconte à Yitro tout ce qui s’est passé depuis qu’il l’a quitté. Le lendemain, Yitro constate que Moshé jugeait le peuple durant toute la journée. C’est pourquoi il lui suggère de demander à Hachem l’autorisation de nommer des chefs chargés de juger avec lui afin d’alléger sa charge. Après le départ de Yitro, Hachem demande à Moshé d’enjoindre le peuple à se préparer et à se sanctifier, et de se tenir au pied de la montagne de Sinaï afin de recevoir la Torah. Ainsi, la Torah décrit l’arrivée du maître du monde sur la montagne sur laquelle allaient être dévoilés les dix commandements. Devant de tels prodiges, la crainte envahit le peuple qui demande alors à Moshé de faire l’intermédiaire avec Hachem, de peur qu’un tel dévoilement de sainteté ne cause leur mort. C’est ainsi que les bné-Israël restèrent à distance de la montagne tandis que Moshé s’engouffra dans la profondeur des nuées dans lesquelles se trouvait Hakadoch Baroukh Hou.
Dans le 29ème chapitre de Chémot, la torah dit :
ט/ וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה, הִנֵּה אָנֹכִי בָּא אֵלֶיךָ בְּעַב הֶעָנָן, בַּעֲבוּר יִשְׁמַע הָעָם בְּדַבְּרִי עִמָּךְ, וְגַם-בְּךָ יַאֲמִינוּ לְעוֹלָם; וַיַּגֵּד מֹשֶׁה אֶת-דִּבְרֵי הָעָם, אֶל-יְהוָה׃
9/ Hachem dit à Moshé: « Voici, moi-même je t’apparaîtrai au plus épais du nuage, afin que le peuple entende que c’est moi qui te parle et qu’en toi aussi ils aient foi constamment. » Alors Moshé redit à Hachem les paroles du peuple.
Nous avions vu la semaine dernière en quoi l’ouverture de la mer a eu un impact sur la foi que le peuple accordait en Moshé rabbénou. Cependant, le verset que nous avons cité insiste encore une fois sur le sujet et réitère la confiance que le peuple portera envers le plus grand des hommes suite au don de la torah. En réalité, la torah porte ici, le raisonnement plus loin que celui de la semaine dernière. Jusque là, l’ouverture de la mer était une étape qui consistait à prouver le caractère divin de la sortie d’Égypte et repousser toute théorie de sorcellerie que Moshé utiliserait pour réaliser les miracles. Cependant, cela ne suffit pas au peuple qui se voit confronté à un dilemme. Si Hachem a démontré au peuple qu’Il était le seul et unique instigateur de leur libération, rien ne prouve que de cette liberté fraichement acquise doive nécessairement découler un dogme, un loi. Et même si c’était le cas, qui prouverait que la transmission que Moshé en fait au peuple soit authentique, qu’elle reflète réellement la volonté d’Hachem. En clair, même si Moshé a été choisi pour être l’émissaire de la fin de l’exil, pourquoi le peuple devrait-il pour autant se soumettre aux lois que Moshé prononce au nom de Dieu ? Qu’est-ce qui leur prouve que les lois qui vont être dictées par Moshé ne sont pas le fruit de son imagination mais bien d’origine divine ?!
Cette question est fondamentale car d’elle découle notre foi envers Moshé en tant que prophète mais bien plus encore, elle insiste sur notre confiance absolue et totale en la véracité des propos de la torah. Pour pouvoir aborder ce sujet jusque dans son essence, il nous faut nous arrêter sur le don de la torah qui constitue l’intervention divine la plus marquante de l’histoire tant son caractère spectaculaire va bouleverser la vision que les bné-Israël vont porter sur les paroles de Moshé.
Concernant le phénomène extraordinaire que les hébreux contemplent, la torah dit (chapitre 20, verset 15) : « וְכָל-הָעָם רֹאִים אֶת-הַקּוֹלֹת Et tout le peuple voit les sons ». La manifestation d’Hachem bouleverse tellement les standards que le son, censé être perçu par l’oreille, devient perceptible par l’oeil! Le peuple est parvenu à voir un son, une parole, la voix d’Hachem ! Qu’est-ce que cela signifie ?
Le Malbim (chapitre 31, verset 8) apporte un commentaire édifiant sur le sujet. Comme nous le savons, le son se propage par le biais d’une onde au travers de l’air. Le Malbim explique que chaque lettre et donc le son qui est produit lorsqu’elle est prononcée, se grave dans l’air et se diffuse sans pouvoir être observée par l’oeil. La nature de l’air étant volatile, il est parfaitement impossible que ces gravures engendrent une manifestation palpable par l’homme. Toutefois, lors du don de la torah, Hachem a changé l’ordre des choses au point d’épaissir l’air, de le compresser et de le rendre concret pour lui accorder une forme solide, aussi solide que de la pierre. C’est ainsi que les tables de la lois sont apparues. Ces dernières ne sont donc pas constitués de matériaux classiques, mais de l’air qui nous entoure et qui est le vecteur de propagation du son. Cette cristallisation de l’air ne se fait pas de la plus anodine des façons, elle se manifeste autour des paroles enflammées qu’Hachem prononce. Ainsi les lettres de feu qui sortent de la montagne où Hachem siège, se retrouvent entourées et capturées par l’air, afin de se maintenir dans la structure aérienne que constituent les tables de la loi ! Ce procédé, a permis de rendre visible les lettres qui sont habituellement invisibles. Le son que la nature si légère de l’air rend éphémère et invisible, devient subitement concret, continu et observable visuellement ! Ceci explique les commentaires de nos sages sur le sujet. En premier lieu, le son ne s’atténuait pas avec la distance, car il s’avère maintenant bloqué, l’empêchant de s’évaporer sur la continuité. Plus encore, quelque soit la position à laquelle se tient la personne qui observe les tables, les lettres qu’il pourra y lire seront toujours à l’endroit, même s’il se tient derrière ! Ceci ne surprend plus lorsque nous prenons conscience que ce que les hébreux lisent n’est pas une écriture mais un son ! Or, par définition, le son s’entend de façon identique quelque soit notre position relative !
Le Kli Yakar (chapitre 20, verset 15) va dans le même sens que le Malbim et apporte une preuve de son propos grâce au midrach bien connu concernant le moment où Moshé a brisé les tables de la loi à son retour de la montagne, lorsqu’il a constaté la faute du veau d’or. Nos sages enseignent qu’à cet instant, les lettres se sont littéralement envolées et ont quitté les tables. Il ne s’agit pas d’une métaphore mais au contraire d’une description de l’évènement en question. Les lettres se sont réellement séparées du bloc ce qui traduit bien une consistance de ces dernières. Seulement, le Kli Yakar fait ensuite une analyse aussi pertinente que surprenante. En effet, pour l’écriture des secondes tables, la torah dit (Chémot, chapitre 34, verset 1) :
וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה, פְּסָל-לְךָ שְׁנֵי-לֻחֹת אֲבָנִים כָּרִאשֹׁנִים; וְכָתַבְתִּי, עַל-הַלֻּחֹת, אֶת-הַדְּבָרִים, אֲשֶׁר הָיוּ עַל-הַלֻּחֹת הָרִאשֹׁנִים אֲשֶׁר שִׁבַּרְתָּ׃
Hachem dit à Moshé : « Taille, toi-même deux tables de pierre comme les premières et J’écrirai sur les tables les mots qui étaient sur les premières tables que tu as brisées ».
La torah dit bien qu’Hachem a écrit sur les secondes tables les paroles inscrites sur les premières. Il faut remarquer que la torah ne dit pas qu’Il écrit la même chose dans le sens où il s’agirait d’une copie. Les mêmes paroles sont présentes, à savoir que le texte initial est celui qui se retrouve dans les deux tables et non une copie identique ! Dieu a récupéré les lettres s’étant échappées des premières tables pour les replacer dans les nouvelles !
Tentons d’approfondir un peu plus sur la nature de ces sons, de ces lettres qu’Hachem prononce et qui se manifestent dans l’espace.
Le Pirké déRabbi Éliézer (chapitre 42) décrit les conséquences du don de la torah sur le monde, en passant par les tremblement de terre, les arbres qui se sont brisés devant la déflagration engendrée par la parole divine. Cependant, il apporte deux éléments à priori contradictoires. D’une part, il précise que les morts se sont réveillés, et d’une autre part il ajoute que les bné-Israël sont morts à l’écoute des dix commandements.
D’où l’interrogation que cela suscite au Vélo ‘Od Élah (sur le midrach) qui demande pourquoi les morts se réveillent et les vivants meurent ?
La réponse qu’il apporte est prodigieuse, car elle nous ramène au fondement de la parole divine, sur sa substance, sa nature concrète. La voix d’Hachem n’est pas qu’un son, elle n’est pas qu’une simple vibration des cordes vocales, se serait un blasphème que de penser ainsi ! La voix d’Hachem est la source de la vie, elle est la néchama de toutes les âmes ! C’est par le souffle de Sa bouche qu’Hachem a insufflé la vie à Adam, c’est par Sa parole que le monde est né ! La parole divine est la source de toute chose, le pré-requis à l’existence et à la vie. De sorte, elle affecte différemment le mort et le vivant. Puisque le mort est dépourvu de cette source qui l’a quitté, lorsque la voix d’Hachem se manifeste, elle incorpore l’inerte pour lui procurer une sève vitale et la vie peut fleurir à nouveau. Par contre, pour le vivant, lorsque le son divin retentit, il agit comme un fort adhésif, qui appelle à un retour à la source ! Pour donner une image, la parole d’Hachem laisse une résidu dans le corps qui est démuni de la vie. Ce résidu prendra la fonction de l’âme et animera le corps. Par contre, lorsqu’elle repasse à proximité de ce résidu, ce dernier est happé et désireux de retourner à sa source, ce qui provoque sa séparation avec l’hôte. Ainsi, les morts ont retrouvé la vie et les vivants ont perdu leur âme à l’écoute du premier commandement. De sorte, le deuxième commandement a eu pour effet de les remplir à nouveau d’une néchama, c’est pourquoi les bné-Israël ont pu ressusciter !
Le Sifté Cohen apporte d’ailleurs une remarque (sortie ici de son contexte sans pour autant contredire son développement) concernant ce que nous venons de dire. Lorsque la torah parle des sons que les bné-Israël ont vu elle dit « הַקּוֹלֹת les sons », cependant l’écriture est incomplète car une lettre est absente, la lettre »ו vav » qui aurait du donner « הַקּוֹלוֹת les sons » normalement orthographié. Cette différence incite à lire de la façon suivante « הַקּוֹל-ת le son de la lettre »ת tav » ». Cette lettre a pour valeur numérique 400 qui correspond à la valeur du mot »הנשמה la néchama, l’âme » !! Les bné-Israël ont donc perçu et entendu le son de l’âme, de la source de la vie ! Car comme nous l’évoquions la parole divine est créatrice, de fait, sa manifestation altère la nature et crée à nouveau. Contrairement à la parole humaine, qui n’engendre rien de visible, la parole divine est vivante, et se constate ! D’où l’incorporation de ces sons dans un espace qui se matérialise, dans l’air qui se condense et devient pierre !
Cela nous permet d’aborder un commentaire du Érets Tsvi apporté par le Cha’ar Bat Rabim. La guémara (dans le traité Makot, page 24a) enseigne que seuls les deux premiers commandements ont été entendus directement de la bouche d’Hachem, tandis que la suite à été transmise par le biais de Moshé. En effet, devant la puissance qui se dégageait, et suite à la mort que cela a engendré, le peuple a craint et a demandé à Moshé de jouer l’intermédiaire (comme en attestent les versets 15 et 16 du chapitre 20). Cette attitude peut nous sembler cohérente et raisonnable, quoi de plus normal que de craindre pour sa vie ?! Toutefois, elle ne convient pas à une génération comme celle du désert dont le niveau dépasse l’entendement. Pour des gens de ce calibre, mourir pour Hachem n’est pas un problème au contraire, ils auraient sans doute tous été capables de le faire. Comment comprendre alors qu’ils demandent à Moshé de se substituer à eux ?
La réponse est encore une fois folle ! Nos sages enseignent (traité Brakhot, page 45a) qu’Hachem parlait par la voix de Moshé. Plus précisément, Moshé ouvrait la bouche et la voix d’Hachem sortait. Hachem a fait cela afin que les bné-Israël puissent reconnaître que la voix qui sortait de Moshé était bien celle du Créateur puisque le peuple avait pu l’écouter durant les deux premiers commandements. Ainsi, mourir devenait inutile puisque la voix pouvait parfaitement être écoutée au travers de Moshé sans pour autant mourir, d’où la requête du peuple.
Cela nous amène à détailler un point. Si réellement la voix qui sort de la bouche de Moshé est celle d’Hachem, que gagne le peuple à l’écouter depuis Moshé ? Elle devrait être toute aussi dangereuse ?
Cela nous oblige à comprendre qu’en passant par le canal de Moshé, la voix était moins puissante et ne provoquait pas la mort. Dès lors, qu’est-ce qui prouve au peuple que le son qu’il entend est bien la voix de Dieu ? Peut-être, n’est-ce que Moshé qui l’imite de la plus ressemblante des façons ? Dès lors, pourquoi croire à tous les commandements que Moshé dira ensuite ?
C’est maintenant que nous pouvons apporter une réponse à notre première question. Comme nous l’avons dit, seuls deux commandements sont sortis directement de la bouche d’Hachem. Cela signifie que ce sont les deux seuls qui auraient dû devenir visibles, seules deux phrases auraient dû se condenser dans l’air, et alors, les tables de la lois ne contiendraient que ces derniers. Or comme nous le savons tous, les tables disposent de dix commandements, et tous ces commandements sont inscrits sur le même support, c’est-à-dire de l’air condensé. Cela signifie que la voix qui sortait de Moshé, même si elle n’avait pas la même puissance puisqu’audible par le peuple sans provoquer la mort, a maintenu l’essence de la voix divine : elle se manifestait dans l’air de la même façon que lorsqu’Hachem parlait !
Ainsi Hachem a initié un miracle indiscutable puisque Sa présence était marquée, et a poursuivi ce dernier au travers de Moshé pour prouver au peuple que la parole divine sort bien de la bouche de Moshé ! Tout ce que Moshé dit provient bien de Dieu et il n’y a plus de place pour remettre en cause la suite des textes qu’il enseignera au peuple.
Cela met en relief l’importance des mots de notre torah, aussi bien ceux entendus directement d’Hachem, que ceux que Moshé nous a transmis, ils sont la néchama de toute chose, la source de la vie, comme il est écrit concernant la torah : « car c’est un arbre de vie à quiconque s’y accroche ». Yéhi ratsone que nous ne lâchions jamais ce qui nous a maintenus durant les siècles et que nous nous agrippions encore et toujours à la torah.
Chabbat Chalom.
Y.M. Charbit